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La compagnie du scarabée jaune

Créée il y a plus de 25 ans par Claude de Piante, la compagnie du scarabée jaune a pour objectif de faire vivre de véritables aventures immersives mêlant théâtre et magie. Forte de son expérience dans le domaine, la compagnie propose des formations à la narration magique, pour aider les magiciens à transformer un numéro en véritable moment immersif.

Nous avons eu le plaisir d’échanger avec Claude de Piante sur la création de cette compagnie et de l’accompagnement qu’elle propose aux artistes dans ce nouvel épisode de Détours de magie. Entre histoire de sa création, anecdotes et conseils pour les magiciens qui souhaitent se lancer, nous vous souhaitons un bon visionnage de ce nouvel épisode de notre podcast !


Résumé :

Claude de Piante se définit comme un raconteur d'histoire magique. Il est magicien, mentaliste, et a également travaillé dans les domaines de l'hypnose (il est hypnothérapeute) et de la psychomagie de Jodorowsky, qui utilise des rituels à des fins métaphoriques. Ses études initiales en droit pénal l'ont intéressé au monde de l'arnaque et de l'escroquerie. Une rencontre marquante avec un sociologue, Henry Desroches, l'a amené à réfléchir sur la narration de vie et la recherche d'un "fil rouge" personnel, une expérience qui l'a poussé à rechercher des narrations et histoires un peu bizarres et magiques.

En parallèle de ses premières expériences professionnelles comme formateur en communication et ressources humaines, Claude de Piante, passionné de magie, a cherché à allier ces deux domaines. L'idée est née de raconter des histoires dans des lieux historiques (châteaux, abbayes) en utilisant la magie et le mentalisme, d'abord dans le cadre de séminaires d'entreprise. Réalisant qu'il pourrait créer des aventures immersives encore plus riches en s'associant avec d'autres comédiens et magiciens, il a créé la Compagnie du Scarabée Jaune.

La compagnie a été créée il y a 25, voire 26 ans. Son objectif est de faire vivre des expériences et des aventures immersives mêlant la magie et le théâtre. Le nom "Scarabé Jaune" fait référence à la fois au "Scarabée d'Or" d'Edgar Allan Poe (pour le côté fantastique) et à la "Marque Jaune" de Jacobs (pour l'aspect bande dessinée et ne pas trop se prendre au sérieux).

La patte distinctive du Scarabée Jaune est de mélanger théâtre et magie sous différentes formes (illusionnisme, magie de cabaret, mentalisme, hypnose) pour créer des aventures immersives. L'idée est de faire entrer les spectateurs dans un film. La magie sert à crédibiliser ces univers un peu fantastiques et à plonger les gens dans une autre réalité. Les spectacles sont souvent déstructurés, commençant dans une salle pour ensuite se déplacer vers d'autres lieux, parfois en extérieur, pour une immersion totale. La compagnie a pu compter jusqu'à une vingtaine de personnes, et l'équipe actuelle est d'une dizaine, incluant comédiens et magiciens.

Le Scarabé Jaune a un lieu dédié, la Casa des Merveilles, qui sert de petit théâtre (60 places) pour des spectacles tout public, mais aussi de lieu de formation. Par le passé, c'était aussi un atelier de fabrication de grandes illusions (Yogano production), mais cette activité a été arrêtée car elle n'était pas rentable, notamment à cause des coûts de production en France et de l'évolution des demandes des magiciens vers des prototypes personnalisés.

Les formations proposées par la compagnie sont axées sur la narration magique et hypnotique. Elles visent à fournir aux magiciens les outils nécessaires pour construire des histoires et pour le jeu d'acteur, qui est très spécifique pour un magicien. Claude de Piante souligne que le public, même sans être spécialiste, reconnaît instinctivement une histoire cohérente et un bon acteur ou magicien.

Pour Claude de Piante, un magicien est d'abord un acteur, au sens de Louis Jouvet, c'est-à-dire quelqu'un qui se retrouve face à un public avec tous ses potentiels, cherchant l'authenticité et la sincérité. Le rôle de l'acteur est d'enlever les masques sociaux pour être pleinement présent sur scène. La sincérité, la présence et le charisme sont des outils du jeu d'acteur essentiels.

Une partie de la technique du magicien est l'illusionnisme (techniques psychologiques, manipulatives, trucages), mais une autre partie cruciale est l'art de l'acteur, qui participe à la preuve du phénomène magique par son attitude corporelle. Un jeu d'acteur puissant peut faire croire à l'existence d'un phénomène étrange. L'acteur magicien cherche à créer ce qu'on appelle le refus de la suspension de croire chez le spectateur, où le public trouve plus intéressant d'entrer dans l'histoire et de croire en la magie que de ne pas y croire. C'est le spectateur lui-même qui efface ce qui lui permettrait de ne pas croire et ne cherche pas le trucage.

L'objectif n'est pas seulement l'habileté ("j'ai rien vu"), mais de permettre au spectateur de revenir enfant, d'entrer dans un monde merveilleux et d'accepter l'immersion et une "confusion acceptée de l'esprit". Cette immersion est liée à la construction narrative et au jeu d'acteur.

Les formations enseignent des méthodologies de construction narrative, similaires à celles utilisées par les scénaristes d'Hollywood. Il faut se poser des questions fondamentales :

  • Qui est le héros ? (Le magicien, le public, le jeu de cartes ?)
  • Quel est le phénomène magique ? Il doit y avoir une cohérence dans la nature de la magie (télépathie, hypnose, suggestion, influence, spiritisme, psychokinésie, etc.). Le spectateur doit comprendre d'où vient ce pouvoir pour y croire.
  • Pourquoi ce magicien a-t-il ce pouvoir ? Quelle est son histoire ?

Une mauvaise narration crée des incohérences et des failles dans l'esprit du spectateur, qui ne croit pas à l'histoire et se met alors à chercher le trucage, sortant du film. L'inconscient du spectateur, qui analyse finement, repère immédiatement la non-sincérité et ferme l'esprit à la suspension de croire.

La magie, plus que tout autre art, permet l'immersion, à condition d'avoir une base narrative forte, avec du suspense, qui génère de l'émotion, de l'émerveillement et fait vibrer le public.

Le conseil fondamental pour un magicien souhaitant se lancer dans la narration est de commencer par le personnage. Il faut réfléchir à qui il est, d'où il vient, pourquoi il y a le phénomène magique, et surtout quelles sont ses failles et ses faiblesses. C'est en s'identifiant aux failles d'un personnage, même un tricheur, qu'on peut vibrer avec lui.

La compagnie utilise des personnages récurrents dans ses aventures, comme dans Tintin. Par exemple, Ev Obska incarne une voyante, et Claude de Piante joue un patron de tripot clandestin, un arnaqueur/escroc. Ces personnages ont une histoire, un passé, ce qui renforce la cohérence de l'imaginaire. Un spectacle comme celui d'Ev Obska, "La Voyante", avec une séance de spiritisme forte émotionnellement, montre comment une narration puissante peut amener le public à accepter l'immersion et à être profondément touché, même sans croire à l'existence réelle de l'esprit.

Un autre exemple de personnage puissant est celui de Jean Merlin, présenté comme l'archétype du Trickster (le rusé, le malin). Ce personnage mythologique, présent chez des artistes comme Buster Keaton ou Chaplin, se sort des catastrophes par sa ruse, sa force de vie et sa confiance, créant une "magie de la vie". Les routines de Jean Merlin suivent cette structure narrative du Trickster, qui parle universellement au public car elle touche à nos propres failles et à la capacité à s'en sortir par l'intelligence et la ruse.

Les grandes structures narratives existent (celles utilisées par les scénaristes hollywoodiens et autres raconteurs d'histoires) et toute histoire magique qui fait vibrer le public épouse une structure de base. Si certains, par génie ou expérience, les appliquent intuitivement comme Jean Merlin, la méthodologie est précieuse pour les autres afin d'offrir une structure de base, quitte à s'en éloigner ensuite. Les formations offrent ces méthodes pour aider les magiciens dans leur processus créatif.

La magie et les réseaux sociaux