In « Magician : The astonishing life and work of Orson Welles (2014)
A l'occasion de l'exposition que la Cinémathèque Française va lui consacrer à la rentrée 2025, pourquoi ne pas aborder le sujet passionnant d'Orson Welles.
Son film "Citizen Kane" est toujours considéré par beaucoup de cinéphiles comme un des plus grands films de tous les temps si ce n'est le plus grand.
Mais saviez-vous qu'Orson Welles était également passionné de magie, venant ainsi compléter la longue liste des cinéastes magiciens (Georges Méliès, Christian Fechner etc.).
Orson Welles a toujours été fasciné par la magie. Il est d'ailleurs souvent apparu en tant que magicien à l'écran, bien sûr, que ce soit au cinéma ou à la télévision, mais également sur scène, lors de spectacles de vaudeville et même sur scène à Las Vegas.
C'est à l’âge de onze ans environ qu'Orson Welles est initié à la prestidigitation par un professeur prestigieux : Harry Houdini lui-même !
A la même période, Orson Welles s'initia au métier d'acteur et de metteur en scène, dans les plus prestigieuses écoles, ayant compris très tôt qu'un "magicien est un acteur qui joue le rôle d'un magicien" (célèbre maxime de Robert Houdin).
Tout au long de sa vie, on retrouve d'ailleurs cette passion pour le jeu, le faux, l'illusion, comme révélateur de vérité.
Il intègre très vite des techniques de magie, comme la lumière noire dans ses adaptations théâtrale comme pour Faust, par exemple.
On peut même dire qu’il a fini sa carrière, comme il l'a commencée : avec des tours de passe-passe.
Dès les années trente, il intègre la magie au théâtre dans une adaptation de Faust. Les lévitations et des tours de passe-passe transforment la mise en scène en un immense tour de magie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il organisa son propre spectacle de magie itinérant, le Mercury Wonder Show , qu'il présenta aux membres des forces armées américaines.
Ce show se déroulait sous un grand chapiteau de cirque, avec comme assistantes les actrices légendaires Marlene Dietrich et Rita Hayworth.
En 1943 Il ouvre à Hollywood un cirque miniature le Mercury Wonder show, un spectacle d’illusionnisme dont on retrouve quelques extraits dans le film Hollywood Parade et qu’il présenta sur scène en France en 1944 pour les troupes américaines avec comme vedette Marlène Dietrich dans le numéro « Wonder girl ».
Il termine sa carrière au cinéma par un manifeste autobiographique, pour le moins fascinant, « F for Fake » sorti en 1973, une sorte de document-fiction qui est une immersion dans l’illusion la plus totale. Il signe ainsi son testament artistique.
Ce film est un véritable tour de magie cinématographique autour de l’imposture en art. Pour lui, le cinéma n’était en fait qu’un moyen d’expression parmi d’autres, un générateur d’illusions comme d'autres médias.
C'est donc une des clés de ses créations : l'illusion nous rappelle que tout n'est qu'illusion, et qu'il est de notre devoir d'en avoir conscience pour la dépasser et s'en soustraire.
Un peu à la manière de L'allégorie de la Caverne de Platon.
Dans l'œuvre de Welles les ponts entre le cinéma et la magie sont donc évidents.
Welles se présentera égalent en théoricien de l’art magique (des publications spécialisées dont la préface du Livre Précis de Prestidigitation de Bruce Elliott (Ed. Payot Paris, 1952). Abb Dickson, qui fut durant plus de dix ans le complice indispensable de Welles, notamment sur le Magic show,
De 1976 jusqu'à sa mort en 1985, il a même tourné divers tours de prestidigitation pour un projet de film appelé The Magic Show. Certains auteurs pensent que la capacité d'Orson Welles à penser comme un magicien a influencé toute son œuvre.
Dans une interview d'octobre 1985 dans le magazine Magic Manuscript, il déclarait :
"Mon père adorait la magie et m'a acheté quelques grandes illusions quand j'étais petit. À l'époque, il y avait Thurston et tous ces grands magiciens de scène. J'ai commencé à faire des tours de passe-passe à 11 ou 12 ans. Ma première passion était de faire des boîtes (c'est ce que Thurston faisait). J'adorais Houdini, mais ce n'était pas un illusionniste ; c'était un challenger. Il mettait le public au défi. Il ne le séduisait pas. Il a créé une sorte de jeu olympique et l'a finalement gagné… il était dynamique… il avait une sorte de mépris pour les illusionnistes."
« Orson Welles Show » inédit filmé en 1979.
Welles a également réalisé des tours de magie au Tonight Show avec Johnny Carson, dans l'émission de Merv Griffin, dans de nombreuses émissions de télévision et au cinéma, dont Casino Royale.
Enfin, voici l'explication concise de Welles sur la façon dont les médiums frauduleux lisent dans vos pensées grâce à des techniques de lecture à froid. Il est interviewé par David Frost (célèbre pour Frost/Nixon).
"Presque tout le monde, je suppose, dans son enfance, a reçu à Noël une boîte pour jouer à la magie. Quelques-uns de ces enfants n'ont jamais grandi – ils sont devenus de vrais magiciens. Je le sais car je suis l'un d'eux. Qu'est-ce que la magie ? Eh bien, pour certains c'est un passe-temps, pour d'autres un divertissement. Pour moi, c'est un mode de vie ».
« Pour moi, la magie commence et se termine avec la figure du magicien qui demande au public, un instant, de croire que la dame flotte dans les airs. En d'autres termes, avoir huit ans un instant. » (Orson Welles).