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L’histoire de la boule de cristal

Sébastien Thill


« Autoportrait au miroir sphérique » de M.C. Escher (1935), Musée des Beaux-Arts d’Ottawa.

« Autoportrait au miroir sphérique » de M.C. Escher (1935), Musée des Beaux-Arts d’Ottawa.


Toujours à la recherche d'une idée de scénario, d'anecdote, ou de citation pour enrichir mes routines et mon univers, mes lectures me dirigent parfois vers des horizons surprenants et insoupçonnés !

Ce que j'aime par-dessus tout c'est l'idée, pourquoi pas d'apprendre et de transmettre des connaissances, mais surtout de donner une dimension supplémentaire aux tours que je présente, un sens plus profond, capable de toucher davantage le public, en faisant écho à une part de poésie, de merveilleux, pourquoi d'enfance, plus ou moins enfouie en chaque personne.

C'est exactement le cas du sujet qui va nous occuper ici ! 

La boule de cristal par son esthétique parfaite, la magie que porte sa simple évocation, et sa multiplicité de sens, va pouvoir agrémenter bon nombre de numéros de cartes, de pièces ou de mentalisme par exemple. En effet, évoquer une autre dimension, un autre espace-temps, la capacité à voyager dans le temps, dans l'espace ou en soi-même permet de justifier bien des effets si on y réfléchit !

Qui ne connaît pas cet objet occulte, fascinant, énigmatique, incontournable dans tout cabinet de curiosités qui se respecte : la boule de cristal ? Et pourtant, savez-vous qu'elle porte très mal son nom ?

D'abord, parce qu'elle n'est que rarement en cristal, mais plus encore, parce qu'elle n'est pas toujours une boule !

Son mystère débute avant tout par la recherche de ses origines. Il semblerait que son apparition remonte à la Grèce Antique. Pourtant il ne nous reste aucune source l'évoquant à cette période. Sa trace disparaît également à l'époque médiévale, sous la condamnation morale et juridique de l'Eglise, à l'instar de toute forme de magie, science ou objet occulte, mis à l'index, interdits, anéantis.

C'est donc à la Renaissance (XVe siècle) qu'on la voit réapparaître, en tant qu'héritage antique. On le sait la Renaissance était férue d'Antiquité, sans doute par mépris du Moyen-Age (associé à l'obscurantisme et l'ignorance).

Il n'est donc pas étonnant que tout fut mis en œuvre pour lui donner cette origine antique.Pourrait-on alors affirmer que la boule de cristal serait née dans une certaine forme de Grèce Antique, réinventée, idéalisée par la Renaissance ? C'est fort possible.

 Dans tous les cas, depuis son origine, la boule de cristal a toujours été considérée comme un "troisième œil", sphérique, lui aussi, capable de voir ce qu'on ne peut pas observer à l'œil nu.

On pourrait citer l'Empereur Néron (37-68 après JC) qui observait "à travers une émeraude à facettes, ce qu'il ne pouvait voir de loin", cherchant également à se protéger d'un autre "mauvais œil", à la manière d'un talisman magique. On le voit donc ici, le terme "cristal" était à prendre au sens large ("passage d'une composition chimique à l'état solide"). Le cristal était d'ailleurs souvent associé aux propriétés de l'eau (origines de la vie, "mémoire" de l'eau, comme si le cristal était une "forme fossile de l'eau"

C'est ainsi que Joseph Balsamo Comte de Cagliostro (1743-1795) lisait l'avenir, non pas dans une boule de cristal, mais dans... une carafe d'eau !

  

« Lame d’émeraude utilisée comme instrument d’optique par Néron », Gravure, Collection privée

 

D'ailleurs, les boules de cristal ne sont pas systématiquement rondes : elles peuvent également être plates. Pourquoi ne pas la présenter sous la forme d'un miroir ? Les miroirs ont souvent été associés à l'univers de la Magie : Lewis Carroll fit ainsi passer son Alice "de l'autre côté du miroir". On le sait, les miroirs "réfléchissent", ils ont réponse à tout, et ce n'est pas la Méchante Reine de Blanche-Neige qui nous dira le contraire ! 

D'ailleurs certains miroirs n'ont-ils pas la propriété d'être ronds et convexes, lorsqu'on les appelle "Œil de sorcière" (objet immortalisé par le chef d'œuvre de Van Eyck "Les Epoux Arnolfini")

« Les Epoux Arnolfini » de Jan Van Eyck (1434), National Gallery de Londres


Si nous allons plus loin, la boule de cristal ne serait-elle pas une version miniature du monde, que la Renaissance découvre sphérique, ou un miroir de la voute céleste aux dimensions extraordinaires, lui donnant ainsi une dimension plus "cosmique". Pourtant le ciel nous donne-t-il les clés pour lire l'avenir, comme le prétend l'astrologie, alors qu'il est peuplé d'étoiles éteintes depuis des millions d'années ?

Ce que nous y voyons : c'est le passé de ce que nous voyons. En d'autres termes, nous sommes le futur de ce que nous voyons, nous condamnant à ne pouvoir prédire que le passé (une phrase qui mérite bien d'être relue, et pourquoi pas utilisée dans un de vos prochains textes !)

Dai Vernon disait qu'on "s'arrête toujours de penser trop tôt", alors allons plus loin: pourquoi la boule de cristal ne serait-elle pas un trou noir (cercle de tissus noir) d'où apparaîtrait ou disparaîtrait un objet, une pensée ?  

Et pourquoi devrait-elle être matérialisée, avoir une apparence tangible ? Ne pourrait-elle pas être considérée comme un concept, un mantra, une méthode, le rappel d'une capacité d'émerveillement que nous avons en nous-même ? Finalement, ce n'est pas l'avenir que nous dévoilent les reflets anamorphosés d'une boule de cristal, mais plutôt une projection de ce qui se cache en nous. 

N'est-ce pas le pouvoir d'un tour de magie ? Comme je le dis souvent : "Ce que révèle la Magie, c'est le spectateur."

Comme quoi, comme l'écrivait Jean Cocteau, "Les miroirs feraient bien de réfléchir un peu plus, avant de renvoyer les images !" 

 

Note : Pour plus de précisions, d'explications et d'anecdotes, si le sujet vous intéresse, je ne puis que vous recommander la lecture de l'ouvrage Traité de la boule de cristal de David Wahl, publié aux Editions Riveneuve. Passionnant !

 

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