📢 Rejoignez la communauté du Cabinet d'Illusions et accédez à des routines expliquées en cliquant ici
Se rendre au contenu

Conan Doyle et la magie

Sébastien Thill

Élémentaire, mon cher Watson !

"Il est sympathique, très intelligent, mais obsédé de spiritisme. N'étant pas initié au monde du mystère, n'ayant jamais appris les artifices de la prestidigitation, c'est la chose la plus simple du monde que de gagner sa confiance et de le tromper."

C'est en ces termes que le magicien Harry Houdini parlait d'Arthur Conan Doyle, le célèbre père de Sherlock Holmes !

« Arthur Conan Doyle and Harry Houdini in the US », 1923.

Source: Arthur Conan Doyle Encyclopedia


Difficile à imaginer, tant on admire le personnage qu’il a créé :  son sens aigu de l'observation des scènes de crime, de la communication non-verbale, ses connaissances scientifiques, médicales, de la physique, de la chimie, son esprit de logique et de déduction implacable, sa capacité à détecter toute forme de mensonge et de canular !

Pourtant, c'est à l'âge de 28 ans que l'auteur s'éprend de sciences occultes. Il a déjà écrit la première aventure du détective privé mais celle-ci n'a pas encore été publiée (il le sera 1887). En attendant, il exerce en tant que médecin et c'est dans son cabinet qu'il rencontre un certain Général Drayson, astronome réputé, et féru de spiritisme (dans le but de renouer contact avec son frère trop tôt disparu).

Les années passent, en 1891, Conan Doyle abandonne la médecine, pour se consacrer à l'écriture et devenir l'immense auteur que l'on connaît. Dès lors, tout son temps est monopolisé par les aventures de Sherlock Holmes. Allait alors s'ouvrir une période très difficile pour lui. 

En 1893, son épouse attrape la tuberculose et en meurt en 1902, à la suite de longues souffrances, d'interminables traitements dont les promesses de guérison furent trahies.

C'est en 1916, en plein milieu de la Première Guerre mondiale, que Conan Doyle se tourne à nouveau vers les sciences occultes, probablement en quête de sens et de consolation, refusant toutefois de s'affilier à une foi quelconque. La disparition de bon nombre de ses amis et membres de sa famille dans les tranchées, ou après avoir contracté la "grippe espagnole" le plongea dans une profonde dépression, refusant l'idée que ces personnes qu'il avait tant aimées puissent disparaitre ainsi dans le néant.

Dès lors, il dévore toute la littérature spirite, assiste à des séances plus ou moins spectaculaires, dans l'idée de se convaincre de l'immortalité de l'âme. Il en vient même à s'auto-proclamer expert en spiritisme, lui qui n'a pas de connaissances particulières dans le domaine. Il enchaine les conférences à travers toute l'Angleterre, la France, l'Australie ou les Etats-Unis. Il y aborde tous les sujets : photos spirites, tables tournantes ou écriture automatique.

Laissant de côté son détective, il se lance dans l'écriture de traités spirites, qui ne provoquent pas l'enthousiasme de ses éditeurs, qui n'ont qu'une idée en tête, publier une nouvelle enquête de Sherlock Holmes !

C'est en tournée aux Etats-Unis qu'il rencontre Harry Houdini. Nous sommes en 1922, Houdini l'a invité à assister à une séance spirite : il lui montre deux ardoises. Cinq bouchons de liège sont présentés à Conan Doyle qui en choisit un. Le bouchon désigné est coupé en deux afin d'en prouver l'innocence. Un autre bouchon est trempé dans un flacon d'encre blanche et glissé entre les deux ardoises, attachées l'une à l'autre et suspendues par un fil au plafond.

Houdini demande alors à Conan Doyle de s'éloigner, de sortir en dehors à l’extérieur de l'appartement et d'écrire quelques mots sur une feuille de papier à l'abri des regards. A son retour, Conan Doyle déplie la feuille, et révèle ce qu'il y a écrit : un verset de la Bible (" Mene, mene tekel upharsin", qui se traduit par : "compté, compté, pesé et divisé"). On l'aura deviné, en décrochant les ardoises du plafond, on y trouva révélé le même message à l'encre blanche !

« A spiritual seance », c. 1910.

Source: Who Do You Think You Are?


Pour Conan Doyle, il n'y a aucun doute : Houdini fait appel à des pouvoirs psychiques, des dons médiumniques ! Jusqu'à la mort d'Houdini en 1926, Conan Doyle restera persuadé que le magicien était en réalité le plus puissant des médiums, même si Harry Houdini d'évertuait à lui démontrer le contraire.

Ainsi Conan Doyle pensait avoir percé le secret de l'escapologie qui rendit Houdini si célèbre : la dématérialisation !

Houdini eut beau contester cette explication : Conan Doyle n'en démordait pas, Houdini était capable de se dématérialiser pour se rematérialiser quelques instants plus tard, débarrassé de toutes ses chaines ! 

Comme si, pour lui, croire à ce qui défie pourtant l'entendement était préférable à la violence du réel.

Le 7 juillet 1930, Arthur Conan Doyle meurt à son domicile, d’une crise cardiaque. Quelques jours plus tard, le 13 juillet, l’Association Spiritualiste loue le Royal Albert Hall à Londres pour organiser une séance spirite et tenter d’entrer en contact avec lui.



Et vous, savez-vous pourquoi vous pratiquez l'art magique ?

Que représente-t-il pour vous ? Un remède, un refuge, une fuite, un moyen de créer du lien avec les autres, de communiquer, de divertir, ou un simple passe-temps ?

Je ne doute pas que votre réponse à cette question enrichisse grandement vos prestations, en l’habitant d’une dimension supplémentaire et précieuse.

En tout cas, ce qui ressort de cet épisode, et comme l'a écrit Stig Dagerman : "Notre besoin de consolation est impossible à rassasier".


Sébastien Thill

Se connecter pour laisser un commentaire.
La leçon de cinéma
Sébastien Thill